Une autre voie...

Publié le par yann stenven

Il me fallait laisser s'effiler le temps, oublier les mots avant de revenir devant le clavier pour prendre la parole, je ne voulais pas me perdre dans le narratif, la relation d'événements. 

Non! Plutôt  je ne souhaitais pas m'enfermer dans une forme littéraire qu'est le récit car le  vécu de l'atelier n'est  pas heureusement,  à moi seul. J'ai pu décrire ma visite à l'IMA, témoigner de ma vocation de chauffeur mais...

Mais que raconter ? Car parler pour ne rien dire, n'est qu'occuper un espace avec des mots pour se sentir s'agiter, se sentir exister. Or, l'aventure, je la vis pleinement, au-delà de mon propos maladroit. 

Juste, peut-être penser à voix haute... répondre à des questions qui me donnent le vertige, Qu'est-ce que le handicap? Sommes-nous dans une expérience d'intégration?

Je n'ai pas les connaissances scientifiques et sociologiques pour répondre, seulement un vécu, celui-là même dont je ne veux plus spécifiquement faire état pour l'heure.

Alors quoi ? Je n'ai que des bribes de pensées.

Le handicap pour moi, aujourd'hui, ce sont des visages, des voix, des sourires, des adolescents, des personnes et des individualités. Quelle succession de termes, direz-vous ! 
Sans doute pas inutile, car les premiers d'entre eux sont ceux de l'incarnation. Le handicap sans la "chair" n'est jamais qu'un mot lourd de préjugés et vide de regards, et dont on ne perçoit que l'abstraite enveloppe.
Le regard qui passe pour inquisiteur quand l'on croise un enfant, un adulte relevant du handicap, est le lien et l'acte premier de la rencontre. Si l'oeil est si maladroit, c'est qu'il n'est pas habitué à voir. L'oeil palli, en un regard, essaie d'apprendre ce que le terme abstrait handicapé ne lui a jamais appris: le handicap est incarné, il a un visage, un sourire, un regard.
Il faut des mots pour se saisir de ce qu'on ignore mais il faut que ces derniers fassent corps.

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Adolescents, ai-je-dit ? Oui, car de fait Gwendoline, Ousmane, Quentin par l'âge, dans leur corps, tous sont adolescents. Non pas uniquement des enfants, ils se construisent à leur rythme et sont des personnes et surtout des individualités fortes et prenantes. Ce que je reprocherai au terme enfant, qui plus est qualifié d'handicapé, c'est qu'il fragilise, infantilise et relègue la perception du handicap derrière l'évidence de l'attachement à l'Enfant.
Je m'explique, le terme d'enfant sensibilise et "humanise" le qualificatif tranchoir d'handicapé, et ce dans un réflexe édicté par la société qui consiste à qualifier et à nommer la différence plus qu'à la vivre. Car, à vivre auprès d'Emmanuelle, Aurélie, Sylvain cette expérience hebdomadaire, il est d'évidence qu'ils sont avant tout des individualités et non une entité qualifiable. Ils sont par nature et essence des personnes, qui comme tout à chacun cultivent leurs différences.

Et sans doute, ne suis-je pas le seul en cette situation, je ne vis plus et ne vais plus le mardi à une rencontre et une séquence d'expérience avec des élèves et des enfants relevant du handicap, je me rends à un atelier où chacun des participants découvrent la marionnette qui crée le lien entre nous, une autre personne à connaître. Et je me rend compte, que les prénoms ont pris le dessus sur le terme qualifiant d'enfants handicapés du projet initial que l'on avait vite d'ailleurs substitué par les enfants de l'IMA. 

Surtout avant que je ne me perde définitivement dans mon propos, j'ai le sentiment profond que les enfants m'ont ouvert à leur univers, à leur réalité et que je et nous  vivons plus la différence et sa richesse que tout autre chose.
Finalement, ne sommes-nous pas simplement adultes intervenants parmi la diversité et la richesse d'enfants qui se nomment Antoine, Ousmane, Margot, Simon, Aurélie, Nazia, Emmanuelle, Sylvain, Andréa, Quentin, Gwendoline et Nabil.

A relire mon propos, je sens au mieux, un bouillonnement mais j'assume ce défaut d'écriture comme trace d'une pensée en mouvement et qui n'en a pas fini avec ses interrogations.

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